La proposition de loi relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale a été déposée sur le Bureau du Sénat le 6 novembre 2018 par Jean-Pierre SUEUR et les membres du groupe socialiste et républicain.
Pour les auteurs de ce texte, la corruption transnationale consiste en l’accaparement de biens, publics ou privés, au profit d'une minorité d'oligarques qui bénéficient ainsi d'un enrichissement illicite. Trois caractéristiques principales la distinguent des autres formes de corruption :
- l'importance des transactions et des sommes en cause ;
- la grande mobilité de ces flux financiers et la capacité de les dissimuler à l'étranger grâce à une ingéniosité juridique et financière ;
- les lourdes conséquences économiques et sociales pour les pays d'origine.
Selon une estimation de la Banque mondiale, les pays en développement et en transition perdent chaque année entre 20 et 40 milliards de dollars du fait de ce phénomène : ces sommes représentent pas moins de 20 à 40 % du montant de l'aide annuelle au développement. Les auteurs de la proposition de loi insistent sur les effets dramatiques de ces flux financiers illicites sur la qualité de vie et les droits économiques, sociaux et culturels des habitants qui en sont les victimes.
À l'instar d'autres pays développés, la France héberge une partie de ces flux financiers illicites. La législation actuelle prévoit bien des sanctions patrimoniales et des mécanismes de recouvrement afin d'appréhender les produits de la corruption transnationale. C’est l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), créée en 2010, qui assure la gestion des biens saisis et procède à leur aliénation en vue d'en transférer le produit.
À ce jour, il est prévu quatre destinations, par le biais de l'AGRASC, pour les fonds provenant des avoirs confisqués :
1. l'indemnisation des parties civiles ;
2. l'abondement de fonds spéciaux, par le versement à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives et au fonds pour la prévention de la prostitution et l'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées ;
3. l'autofinancement de l'AGRASC ;
4. l'abondement du budget général de l'État qui contribue au désendettement de l'État
Il existe par ailleurs des règles de partage au profit de l'État étranger ayant ordonné la confiscation. Ces règles varient cependant suivant que l'État en question est membre ou non de l'Union européenne (UE) : le partage n'est pas automatique. Les auteurs du texte estiment ainsi que la confiscation des produits de la corruption transnationale se trouvant en France emporte le plus souvent transfert de leur propriété à l'État français et rien ne permet de garantir l'affectation des avoirs illicites confisqués au profit des pays et des populations qui en ont été privés.
C’est pourquoi la présente proposition de loi vise à mettre en place un fonds dédié afin d'organiser l'affectation des avoirs, avec le double objectif de garantir que les avoirs illicites recouvrés en France contribuent au développement des pays qui en ont été privés et de conforter les efforts de notre pays en matière de lutte contre la corruption transnationale.