4062 Depuis l'examen en première lecture du présent projet de loi par le Sénat, en janvier 2003, aucune avancée scientifique majeure ne justifie que la Haute assemblée modifie les positions qu'elle avait alors soutenues. A la suite du résultat spectaculaire obtenu par l'équipe de chercheurs coréens qui a réussi ce précédent notable de cloner des embryons humains, on a pu croire qu'il en était autrement. Les plus éminents spécialistes de cette question ont rappelé devant la commission des affaires sociales que, bien qu'elle constitue un succès scientifique incontestable, cette expérience ne laisse pas présager, aujourd'hui plus qu'hier, d’une future utilisation thérapeutique.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, témoigne que le législateur de 2004 a atteint un équilibre, comme l'avait fait son prédécesseur de 1994. Le projet déposé par le gouvernement de Lionel Jospin en 2001 a constitué une charpente qui a été profondément rectifiée sans être vidée de son contenu. Cet équilibre est visible si l'on en juge par l'accord auquel sont parvenues les deux assemblées au terme de la navette sur les sujets les plus importants évoqués par la loi : le clonage, l'embryon, la brevetabilité du vivant, l'aide médicale à la procréation et le don d'organes.
Le législateur a voulu lourdement criminaliser le clonage reproductif, en ce qu'il constitue une atteinte fondamentale aux droits de la personne humaine. Défini précisément et assorti d'un régime de peine dissuasif pour le réprimer, le clonage ne constitue toutefois pas un sujet épuisé pour l'avenir. La France doit agir sur le plan international et le
gouvernement s'y est engagé, pour obtenir sa condamnation juridique.
Le législateur a également qualifié de délit le clonage dit «thérapeutique» en ce qu'il conduirait potentiellement au clonage reproductif. Cette disposition rejoint la confirmation du caractère irréaliste des stratégies médicales reposant sur ce clonage et le rappel du fait que, sollicité par la commission européenne, le Groupe européen d'éthique a considéré ces perspectives si incertaines qu'elles ne justifiaient pas que l'Union européenne s'engage dans le soutien à ce type de recherches.
Le statut de la recherche sur l'embryon constitue la correction la plus significative apportée au projet de loi initial, mais cette correction est de principe et n'entrave pas, sur le plan pratique, la recherche proprement dite. En réaffirmant le respect dû à l'embryon humain et l'exigence de conditions strictes posées aux recherches dont il peut faire l'objet, le législateur a seulement souhaité rendre éthiquement acceptable la conduite de recherches que les chercheurs estiment scientifiquement prometteuses si elles ne sont pas exclusives. En refusant une posture qui aurait consisté en un «tout embryon», il a également rappelé solennellement que d'autres pistes existaient, qu'elles devaient être approfondies et, le moment venu, évaluées, notamment les recherches sur les cellules souches adultes.
La navette n'apporte plus, à ce stade, de modification majeure. Toutefois, l'extension du diagnostic préimplantatoire pour permettre la naissance d'un enfant à la fois indemne d'une maladie génétique détectée dans sa famille, mais également immunologiquement compatible avec un aîné
affecté par cette maladie est une question essentielle. Saisi de cette question, le Comité consultatif national d'éthique, divisé, a finalement donné un avis positif à cette extension en précisant que « permettre qu'un enfant désiré représente de plus un espoir de guérison pour son aîné est un objectif acceptable s'il est second ».
Le législateur n'est bien évidemment pas en mesure de juger des motivations profondes d'un couple qui requiert la garantie d'un diagnostic préimplantatoire pour avoir un enfant. Il lui appartient toutefois d'autoriser, non sans en avoir pesé les bénéfices et les risques, le recours à ce test supplémentaire sous des conditions restrictives permettant d'écarter les dérives que ce diagnostic fait souvent craindre.