loititjo: "relative à la nationalité des équipages de navires"
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4517 La Commission européenne a engagé un recours en manquement contre la France le 15 février dernier, lequel fait suite à une lettre de mise en demeure et à un avis motivé. Elle estime, en effet, que la législation nationale, qui réserve aux Français les deux postes de capitaine et de suppléant, n'est pas conforme à l'article 39 du traité instituant la Communauté européenne, qui fixe le principe de libre circulation des personnes. La prochaine étape est donc la traduction de la France devant la Cour de justice des Communautés européennes.
Sur le plan juridique, la réserve de nationalité du capitaine a été fondée, pendant longtemps, sur les prérogatives très larges qui lui sont reconnues. En effet, celui-ci peut en effet exercer des fonctions d'officier d'état civil, il a des pouvoirs d'enquête et de mise en détention préventive, ainsi que des pouvoirs en matière de sûreté. En outre, ses pouvoirs disciplinaires sont très importants, puisqu'il a autorité sur toutes les personnes embarquées pour assurer l'ordre à bord du navire.
C'est ainsi que de nombreux pays européens ont maintenu une réserve de nationalité pour les capitaines de navire.
Le tournant est venu, en 2003, de la Cour de justice des Communautés européennes, qui a décidé, dans deux arrêts, d'apprécier en pratique l'étendue des prérogatives des capitaines. Elle a ainsi jugé dans deux affaires que le capitaine et son second n'exerçaient pas leurs prérogatives de manière suffisamment constante pour justifier une dérogation à la libre circulation des travailleurs. Dans ces deux arrêts, elle a appliqué cette interprétation non seulement aux petits navires de pêche restant près de la côte mais aussi aux navires allant en haute mer. Prenant en compte cette nouvelle interprétation du traité, la Commission européenne a demandé à la France de modifier sa législation.
En outre, la Cour de Cassation a jugé en 2004 que la réserve de nationalité du capitaine n'était plus justifiée.
Cette évolution juridique a été intégrée par de nombreux pays européens puisque, aujourd'hui, la plupart d’entre eux ont supprimé la réserve de nationalité ou sont en passe de le faire. Ces pays considèrent donc que des Européens, sous réserve de garanties linguistiques et juridiques, sont aptes à exercer les fonctions de capitaine à bord de leurs navires. Parmi eux, certains vont même très loin puisqu'ils ne posent aucune condition de nationalité : c'est le cas, par exemple, de la Lettonie, du Luxembourg, de la Norvège ou encore du Royaume-Uni.
Dans ce contexte général d'ouverture, le présent texte vise à répondre aux exigences de la Commission, en supprimant la réserve de nationalité sur tous les registres, à l'exception des registres des collectivités d'Outre-mer. En outre, son chapitre II encadre les pouvoirs du capitaine en matière pénale et les place sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Cet encadrement a pour but d'éviter le risque d'inconstitutionnalité qui naîtrait de l'exercice par des non-nationaux de prérogatives de puissance publique. Celles-ci seront désormais exercées sous le contrôle du procureur de la République et, plus généralement, des autorités françaises.
La France est par ailleurs touchée par une pénurie préoccupante d'officiers, évaluée à plus de 600 officiers. Cette pénurie se manifeste d'ailleurs également au niveau européen, où il manquerait 4 000 officiers, et au niveau mondial, où il en manquerait 10 000, soit 2 % des effectifs globaux.
Les causes de cette pénurie tiennent à l'insuffisance des entrées dans la profession, aux sorties prématurées et à l'attrait pour d'autres modes de vie.
Cette pénurie a des conséquences très concrètes sur le pavillon français dans la mesure où certains armateurs qui le souhaiteraient ne peuvent pas immatriculer leurs navires sous pavillon français, faute de trouver les officiers français pour les commander. Elle a donc un impact sur le succès du registre international français, le RIF, dont la création visait à rendre le pavillon français plus attractif. Ceci a des conséquences préjudiciables en termes de sécurité, puisque la possibilité pour l'État français de jouer son rôle d'État du pavillon en matière de contrôle du respect des normes nationales et internationales est réduite d'autant.
Dans un tel contexte, marqué par une ouverture générale au niveau communautaire et par une pénurie d'officiers qui pèse sur le pavillon français, l'économie générale du présent projet de loi paraît apporter une réponse appropriée.