14643 La CMP réunie le 8 décembre dernier à l'Assemblée nationale est parvenue à une rédaction commune du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.
Sur le volet emploi :
À l'article 2, elle a précisé que l'interdiction de vendre des offres ou des demandes d'emploi ne fait pas obstacle à leur publication dans des moyens de communication payants. Ainsi, la publication de ces annonces sur internet ne sera pas entravée.
Elle a également supprimé l'article 11 bis, introduit par l'Assemblée nationale, qui permettait aux adolescents d'effectuer des « stages de découverte » en entreprise. Favorable à une meilleure connaissance du monde de l'entreprise par les jeunes, la commission a en effet estimé que cette disposition devrait figurer dans la future loi d'orientation sur l'école.
S'agissant du volet « apprentissage », elle a confirmé l'allégement des formalités réglementaires décidé par l'Assemblée nationale en faveur des entreprises employant des apprentis. Il en va de même pour l'évaluation des compétences de l'apprenti en présence de ses parents, l'aménagement des conditions de travail des apprentis, la prise en compte des apprentis étrangers, enfin, la considération particulière accordée aux apprentis handicapés.
La CMP a repoussé d'une année la suppression des contrats emploi-solidarité et des contrats emploi-consolidé dans les départements d'outre-mer.
Elle a également tenu à ce que la gestion du contrat d'avenir puisse être déléguée aux plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE), aux maisons de l'emploi et aux missions locales. En outre, sa durée pourra être portée à trois ans pour les seniors. Enfin, les contrats d'accompagnement et les contrats d'avenir seront exonérés de taxe sur les salaires.
Un amendement proposé par l'opposition a été adopté, prévoyant que le contrat d'accompagnement dans l'emploi dure au minimum six mois. Par ailleurs, la présidence du comité de gestion du contrat d'avenir sera confiée au président du Conseil général et au préfet.
Sur le volet « accompagnement des licenciements », joint au texte par lettre rectificative, un consensus s'est instauré entre les deux assemblées pour préserver l'équilibre négocié par les partenaires sociaux. Les amendements de l'Assemblée nationale ont reçu l'assentiment du Sénat, par exemple sur le soutien psychologique aux salariés licenciés, l'extension de certains délais de recours ou l'allégement des obligations pesant sur les plus petites entreprises. Les modifications apportées ont été inspirées par le souci d'approcher au mieux le résultat des consultations menées auprès des partenaires sociaux. Ainsi, la CMP leur a laissé le soin de fixer la durée de convention de reclassement des salariés licenciés. De même, la convention d'assurance-chômage détermine les sommes dues au titre du droit individuel à la formation dans le cadre de cette convention. La commission mixte paritaire a eu le souci d'alléger les charges des petites entreprises en alignant leur régime de sanction sur celui des entreprises ; ainsi, celles qui ne mettront pas en œuvre une convention de reclassement au profit de leurs salariés ne devront payer que deux mois au lieu de six.
En contrepartie, la CMP a approuvé la proposition du Sénat : les petites entreprises échappant à l'obligation de revitaliser les bassins affectés par des licenciements, participeront à l'étude d'impact social et territorial des mesures de revitalisation. Ce point important met en jeu la responsabilité morale des entreprises qui licencient, fussent-elles petites.
Pour le volet « logement », la commission mixte paritaire a confirmé les avancées introduites par le Sénat, notamment celles relatives au surendettement et au règlement prioritaire des créances locatives, ainsi qu'au prolongement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) jusqu'en 2011 pour assurer la rénovation urbaine.
Elle a, en revanche, supprimé l'article 48 bis, introduit par l'Assemblée nationale, prévoyant que des accords collectifs locaux pourront déroger à la liste des charges récupérables pour des dépenses de sécurité et de développement durable. En effet, les conséquences financières de cette disposition n'avaient pas été évaluées et les associations de locataires n'avaient pas été consultées. La commission mixte paritaire a donc souhaité en reporter l'examen au projet de loi « habitat pour tous » annoncé pour 2005.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire a supprimé
l'article 52 quinquies, introduit par l'Assemblée nationale, qui tendait à assouplir les obligations comptables des petites copropriétés. En effet, la comptabilité d'engagement est gage de sécurité et de transparence pour toutes les copropriétés.
Sur le volet « intégration des personnes immigrées ou issues de l'immigration ». La commission mixte paritaire s'est limitée à demander un rapport annuel du gouvernement sur l'exécution du présent texte.
Le plan quinquennal pour la période 2005-2009 pour la cohésion sociale, adopté en conseil des ministres, mobilisera 12,8 milliards d'euros, dont plus d'un milliard dès 2005.
Le plan entend agir simultanément sur trois leviers : l'emploi, le logement et l'égalité des chances, déclinés en vingt programmes. Sa traduction législative figure dans le présent projet de loi.
Le premier pilier du plan concerne la mobilisation pour l'emploi. Il prévoit de réformer le dispositif de contrats d'insertion dans l'emploi, notamment avec la création d'un million de contrats d'avenir pour les personnes les plus éloignées du marché du travail, de proposer un contrat de travail ou une formation à 800.000 jeunes, en particulier par le biais de l'apprentissage, et de libérer la création économique.
Ces objectifs seront servis par une fluidité plus importante du marché du travail, une rénovation du service public de l'emploi autour de trois cents maisons de l'emploi, une sécurisation des parcours et une prise en charge plus efficace des chômeurs.
Concernant le logement, qui fait l'objet du deuxième pilier du plan, un programme d'urgence propose de rattraper le retard accumulé en matière de logement social : 500.000 logements sociaux locatifs seront construits en cinq ans ; le parc privé sera mobilisé pour reconquérir 100.000 logements vacants ; l'accueil et l'hébergement d'urgence seront accrus pour offrir 100.000 places d'ici à 2009.
Enfin, le troisième pilier comporte des mesures visant à favoriser l'égalité des chances entre les publics fragilisés, entre les enfants, entre les territoires, entre les hommes et les femmes et entre tous les Français. Il est ainsi prévu
d'accorder aux enfants en difficulté le soutien de 750 équipes de réussite éducative, d’aider les villes en grande difficulté grâce à une dotation de solidarité urbaine, accrue de 600 millions d'euros sur cinq ans et mieux répartie entre les communes, et de dédier aux immigrants un grand
service public de l'accueil qui se chargera de mettre en oeuvre le contrat d'accueil et d'intégration.
Ce plan de cohésion sociale a été complété par la tenue, le
6 juillet dernier, de la première conférence nationale de lutte contre l'exclusion et pour l'insertion et par la réunion, par le Premier ministre, (pour la première fois depuis sa création en 1998) du comité interministériel de lutte contre les exclusions. Des mesures ont été arrêtées en matière de lutte contre l'exclusion, d'accès aux droits fondamentaux et de passage de l'hébergement à un logement durable pour répondre aux insuffisances relevées par l'inspection générale des affaires sociales dans l'évaluation de la loi de lutte contre les exclusions.
Le projet de loi ne reprend pas l'intégralité des programmes déclinés dans le plan car tous ne requièrent pas une traduction législative pour être concrétisés : c'est le cas de certaines dispositions relatives à l'amélioration du statut des apprentis ou au développement de l'économie solidaire ; d'autres nécessitent au préalable la consultation des partenaires sociaux comme le recrutement des jeunes dans la fonction publique, l'emploi des seniors, la sécurité au travail, la modernisation du paritarisme ou le développement des emplois de services.
Les huit articles ajoutés, par lettre rectificative du gouvernement, au volet « emploi » du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale traitent essentiellement du licenciement économique et du droit à un reclassement personnalisé des salariés. Ils renforcent la protection des salariés en cas de licenciement.
Deux d'entre eux sont particulièrement notables :
- actuellement, la loi prévoit que les salariés licenciés pour motif économique par des entreprises de plus de mille salariés se voient proposer un congé de reclassement par leur employeur, mais elle n'ouvre aucun droit équivalent au profit des salariés employés par les entreprises de moins de mille salariés, qui représentent pourtant 80 % des licenciements de ce type ; le présent projet de loi comble cette lacune en créant à leur profit un dispositif de reclassement personnalisé, dont le financement et la mise en oeuvre regrouperont les divers partenaires associés, notamment dans les maisons de l'emploi ;
- le texte étend le champ de la négociation obligatoire dans les entreprises et au niveau des branches à la gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences, afin d'inciter les entreprises à traiter, en amont, les évolutions de l'emploi.
En outre, ce texte abroge les dispositions, actuellement suspendues, introduites dans le code du travail par la loi du
17 janvier 2002 de modernisation sociale. Ces mesures imposaient des contraintes excessives aux entreprises, qui les auraient pénalisées face à la concurrence internationale en les empêchant de s'adapter efficacement.
Enfin, ces articles introduisent d'utiles mesures de clarification ou d'amélioration relatives, par exemple, au fonctionnement du comité d'entreprise ou à la mise en oeuvre d'actions de revitalisation dans les bassins d'emploi affectés par un plan de licenciements important.
Le plan de cohésion sociale :
- Programme 1 : fédérer les acteurs pour un nouveau contrat avec les demandeurs d'emploi (création de 300 maisons de l'emploi ; dossier unique du demandeur d'emploi accessible aux différents réseaux) ;
- Programme 2 : accompagner 800.000 jeunes en difficulté vers l'emploi durable (mise en place d'un référent et de plates-formes de vocation pour les jeunes sans emploi, ni qualification ; modulation de l'aide du contrat jeune en entreprise en fonction de ses difficultés ; allocation intermédiaire pour les jeunes en formation et entre deux contrats ; 100.000 jeunes recrutés dans la fonction publique, 350.000 intégrés vers l'emploi marchand et 350.000 supplémentaires en formation en alternance) ;
- Programme 3 : 500.000 apprentis (amélioration de la rémunération et aide au logement pour les apprentis, incitation fiscale pour les entreprises, amélioration de l'efficacité de la taxe d'apprentissage, mise en place d'une voie d'accès aux grandes écoles, objectif de 2 % d'apprentis dans les entreprises de plus de cent salariés) ;
- Programme 4 : favoriser la mixité sociale dans la fonction publique par le développement de l'alternance ; création du parcours d'accès à la fonction publique notamment pour les jeunes issus des quartiers difficiles ;
- Programme 5 : de l'assistance à l'emploi (création d'un million de contrats d'activité sur quatre ans et extension des droits à la protection sociale pour les bénéficiaires du RMA) ;
- Programme 6 : développer l'économie solidaire (financement de 4.000 nouveaux postes dans les entreprises d'insertion sur trois ans, aide spécifique pour les chantiers d'insertion) ;
- Programme 7 : favoriser le retour à l'emploi des chômeurs de longue durée (simplification des contrats aidés, actions de formation qualifiante associées à ces contrats) ;
- Programme 8 : établir un nouveau pacte pour l'emploi (six thèmes prioritaires pour la négociation interprofessionnelle : restructurations, seniors, santé et sécurité au travail, sécurisation des règles régissant les relations individuelles et collectives de travail, modernisation du financement du paritarisme et réalisation d'un audit sur les délocalisations) ;
- Programme 9 : accélérer le développement des services (création de 250.000 emplois sur cinq années) ;
- Programme 10 : encourager la création de leur propre emploi par les chômeurs et les personnes en situation précaire (renforcement de l'accompagnement, allongement de la durée du dispositif ACCRE pour les revenus inférieurs au SMIC) ;
- Programme 11 : favoriser l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (aides au remplacement dans les PME lors d'un congé maternité, suppression des obstacles à l'accès à la formation et à l'apprentissage) ;
- Programme 12 : résoudre la crise du logement par le rattrapage des retards en matière de logement locatif social (production de 500.000 logements en cinq ans) ;
- Programme 13 : résoudre la crise du logement par la mobilisation du parc privé (relèvement à 40.000 par an du nombre de logements à loyer maîtrisé conventionné, reconquête de 100.000 logements privés vacants) ;
- Programme 14 : résoudre la crise du logement par le renforcement de l'accueil et de l'hébergement d'urgence (100.000 places en 2007, création de 4.000 places en maisons relais, de 7.000 places en centres d'aide aux demandeurs d'asile, 1.300 places de centres d'hébergement et de réinsertion sociale) ;
- Programme 15 : accompagner les enfants en situation de fragilité (création de 750 équipes de réussite éducative) ;
- Programme 16 : accompagner les collégiens en difficulté et rénover l'éducation prioritaire (création de 150 plates-formes de réussite éducative, création d'une trentaine d'internats de réussite éducative, création de pôles d'excellence éducative dans 150 collèges) ;
- Programme 17 : promouvoir l'égalité des chances entre les territoires (accroissement de 120 millions d'euros chaque année pendant cinq ans du montant de la dotation de solidarité urbaine) ;
- Programme 18 : restaurer le lien social (conclusion de chartes territoriales de cohésion sociale et de 300 points d'écoute jeunes) ;
- Programme 19 : rénover l'accueil et l'intégration des populations immigrées (création de l'agence nationale de l'accueil et des migrations) ;
- Programme 20 : lutter contre les discriminations (création d'une haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, création d'une charte de la diversité dans l'entreprise).