9599 Malgré les mesures prises par la dernière loi de financement de la sécurité sociale et en dépit du ralentissement du rythme d'augmentation des dépenses de santé, le déficit de l'assurance maladie devrait s'établir aux alentours de 13 milliards d'euros en 2004, soit plus de 10 % de ses ressources annuelles.
Ceci explique, que depuis 1998, date de la dernière reprise du déficit des régimes sociaux par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, l'assurance maladie soit de nouveau endettée.
Pour faire face à cette situation, qui a des causes structurelles, le projet de loi fixe trois objectifs : engager une réforme profonde du système pour corriger des dysfonctionnements qui affectent tant les comptes de l'assurance maladie que la santé des assurés ; rénover le pilotage du système dans son ensemble ; enfin, assainir les finances sociales en clarifiant les flux financiers.
L'ambition du texte est de résoudre l'équation posée aux systèmes de soins des pays développés : comment dispenser un « juste soin de qualité » aux assurés sans nourrir le sentiment d'un rationnement purement comptable ? Le projet de loi propose deux dispositifs : le dossier médical et le recours à un médecin traitant.
Le dossier médical personnel informatisé sera constitué sous forme d'une base de données regroupant, dans des conditions de stricte confidentialité, les données personnelles du patient afin d'optimiser les soins. Il s’agit d’une charge lourde pour l'opérateur choisi qui devra faire preuve de compétence et de célérité.
L'instauration d'un médecin traitant participe du même souci de coordination des soins. Il constitue un chef de file garant du parcours de soins du patient, notamment pour l'accès à un médecin spécialiste.
Pour être admise, cette procédure ne devait pas être contraignante : et c'est pourquoi rien n'empêchera l'assuré d'accéder au praticien de son choix, indépendamment de son médecin traitant. Toutefois, user de cette liberté autorisera les partenaires conventionnels à prévoir des modalités de remboursement spécifiques.
Par souci de pragmatisme, les consultations effectuées loin de son domicile pendant les vacances, par exemple, ne seront pas pénalisantes et certains spécialistes, gynécologues ou ophtalmologistes, pourront être consultés directement.
Le recours à ces instruments n'est pas motivé par la recherche d'économies, mais avant tout par celle d'une meilleure efficience des soins. Ils ont d'ailleurs un coût : celui du dossier médical personnel pourrait s'élever à un demi milliard d'euros et l'équilibre économique du recours à un médecin traitant n'est pas démontré. En revanche, l'amélioration du système de soins qui en résultera devrait permettre de réduire sensiblement les actes et les prescriptions inutiles et rentabiliser l'investissement initial.
Promouvoir les comportements vertueux des professionnels de santé est un deuxième élément susceptible d'améliorer la qualité des soins. Plusieurs dispositions du projet de loi s'y attachent : en amont, pour développer l'usage des bonnes pratiques et, en aval, pour favoriser la conduite systématique d'actions de formation, d'évaluation et d'accréditation.
Ce contrôle des pratiques s'inscrit dans le cadre d'une association plus étroite des praticiens au sein de réseaux de soins dont la création est souhaitée par les pouvoirs publics.
L'adhésion des professionnels se fonde sur une réforme profonde des relations conventionnelles : la suppression du règlement conventionnel minimal, l'instauration d'une procédure d'arbitrage en cas de désaccord entre les caisses et les professionnels de santé ou encore la création d'un droit d'opposition majoritaire offrent l'opportunité d'ouvrir un nouveau dialogue entre prescripteurs et gestionnaires de l'assurance maladie.
L'élimination des gaspillages et des abus permettra également d'améliorer la qualité des soins. L'une des carences du système de santé tient à ce que les gestionnaires de l'assurance maladie ne disposent pas d'un arsenal juridique adapté à la répression des comportements déviants des assurés et des professionnels. Le projet de loi prévoit l'instauration de pénalités financières à l'encontre de l'assuré, du professionnel ou de l'employeur à l'origine d'une dépense injustifiée.
Il précise les conditions dans lesquelles les régimes pourront récupérer les sommes indûment versées, notamment par des retenues sur les prestations futures.
D'autres mesures visent à réduire les abus résultant du comportement des assurés, en renforçant le contrôle de la prise en charge des affections de longue durée et des arrêts de travail.
Le projet de loi propose également d'encourager un meilleur usage du médicament et de réduire ainsi la polymédication et la iatrogénie. L'information des praticiens et la mise en place “d'une charte de qualité des pratiques professionnelles” pour les visiteurs médicaux devraient permettre d'atteindre cet objectif.
Ces dispositions relatives à la qualité des soins complètent le volet consacré à la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie. Renforcer la place des régimes dans la gestion du système d'assurance maladie requiert que l'État leur délègue certaines de ses compétences les plus essentielles.
Le texte propose ainsi d'associer étroitement les régimes à trois domaines clés du pilotage de la branche maladie : les règles de remboursement, la politique du médicament et la politique hospitalière.
Ce renforcement significatif des pouvoirs des caisses, en particulier du régime général, appelait une réforme des instances dirigeantes de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) et de son conseil d'administration et une meilleure coordination entre les différentes caisses nationales. La création d'une Union nationale des caisses d'assurance maladie, à qui il reviendra d'exercer, au nom des régimes, une part essentielle des pouvoirs de régulation financière, participe de cet objectif.
Si le paritarisme est préservé, une nouvelle répartition des pouvoirs entre le conseil et le directeur général sera définie. Pour permettre une distinction plus claire entre les missions stratégiques et opérationnelles, les fonctions du directeur général devaient être renforcées : les pouvoirs désormais confiés au directeur général mettront un terme aux difficultés résultant de l'existence d'une pluralité d’organes décisionnaires entre tuteurs et gestionnaires.
La “nouvelle gouvernance” comporte également un volet relatif à l’action régionale.
Ainsi, la création d'une mission régionale de santé invite les agences régionales d'hospitalisation et les unions régionales des caisses d'assurance maladie à renforcer leur collaboration sur trois thèmes principaux : la répartition territoriale de l'offre de soins, l'organisation de la permanence de soins et la définition d'une politique commune de gestion du risque.
Cette collaboration contractuelle préfigure la création de futures agences régionales de santé. Une expérimentation sera menée dans cinq régions.
La nouvelle gouvernance implique de nouvelles relations entre le régime obligatoire et les régimes complémentaires. Cette mesure offre les meilleures garanties aux assurés, qui bénéficieront du crédit d'impôts destiné à les aider à acquérir un contrat complémentaire de qualité.
Une instance, la Haute autorité de santé, est chargée de l'évaluation du service rendu par les produits, actes ou prestations de santé pour guider leur inscription au remboursement et de l'élaboration et de la diffusion des guides de bonnes pratiques.
Cette Haute autorité reprendra certaines des compétences exercées jusqu'à présent par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et coordonnera les travaux de cet organisme avec ceux de l'Agence d'accréditation et d'évaluation en santé (AENES).
Enfin, le projet de loi pose les bases d'un assainissement durable des finances sociales. Le plan de redressement de l'assurance maladie repose sur le succès de la réforme et sur l'infléchissement significatif des comportements des professionnels et des assurés qui en résultera.
L'amélioration du système de soins attendue devrait contribuer, pour 8,7 milliards d'euros, au redressement financier de la sécurité sociale, soit 60 % de son déficit prévisionnel à l'horizon 2007. Afin de rétablir l'équilibre des comptes de l'assurance maladie, il est nécessaire de réclamer à la collectivité nationale un effort financier. Cet effort est réparti entre les usagers, avec la hausse du forfait hospitalier, la contribution d'un euro par consultation et l'augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG), les entreprises par la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), et l'État, enfin, qui versera à l'assurance maladie un milliard d'euros provenant des droits de consommation sur les tabacs qu'il détient désormais. Cette dernière participation témoigne d'une volonté de clarifier les relations financières entre l'État et la sécurité sociale, qui sera confirmée par trois autres mesures : la prochaine révision des règles régissant l'examen des lois de financement de la sécurité sociale pour assurer une meilleure coordination entre elles et les lois de finances ; la compensation, au bénéfice des régimes de sécurité sociale, des pertes de recettes sociales décidées par l'État prévue par le texte ; enfin, à partir de 2005, le remboursement partiel à la sécurité sociale des versements faits au Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (Forec).